Œuvre, 1958

Projet d'éclairage en bleu de l'Obélisque de la Place de la Concorde

"Pour bien préciser à l’extrême, que j’abandonne le Bleu matériel et physique, déchet et sang coagulé, issu de la matière première sensibilité de l’espace, je désire obtenir de la Préfecture de la Seine et de l’Électricité de France, l’autorisation d’illuminer l’Obélisque de la Place de la Concorde en Bleu.

De telle manière que par des cadres bleus placés sur les projecteurs déjà installés, on illumine l’Obélisque tout en laissant la base dans l’ombre, ce qui en redonnant tout l’éclat mystique de la haute Antiquité à ce monument, apportera par la même occasion la solution au problème qui, en sculpture, depuis toujours se pose : le « socle ». 
En effet, ainsi éclairé, l’Obélisque planera, immuable et statique dans un monumental mouvement de l’imagination affective, dans l’espace, sur toute la Place de la Concorde, au-dessus des réverbères préhistoriques à gaz, dans la nuit, comme un immense trait vertical non ponctué d’exclamation ! 
Ainsi, le Bleu tangible et visible sera dehors, à l’extérieur, dans la rue, et, à l’intérieur, ce sera l’immatérialisation du Bleu. (...) 

Tout est prêt ; vers 19 heures, je suis dans la Galerie. Soudain le téléphone retentit (le téléphone sera pendant l’Exposition placé dehors, dans le couloir). C’est la Préfecture de Police. Une voix laconique m’annonce qu’on a décidé à la Préfecture de supprimer l’éclairage de l’Obélisque à cause du caractère trop personnel de cette manifestation."
Yves Klein, extrait de « Préparation et présentation de l’exposition du 28 avril 1958 chez Iris Clert, 3 rue des Beaux-Arts, à Paris », Le dépassement de la problématique de l'art et autres écrits, Beaux-Arts de Paris, 2003
Technique Carte postale, collage et encre
Dimensions 10.5 x 14.7cm