UN, DEUX, TROIS… COULEURS
Dans l’imaginaire et la symbolique d’Yves Klein, trois couleurs sont au zénith : le bleu, le doré, le rose. Ce sont les trois couleurs de l’ex-voto confectionné pour sainte Rita de Cascia, la patronne des causes désespérées. Celles des trois obélisques ou de nombreux monochromes. Dans le symbolisme traditionnel, le bleu, couleur préférée de la majorité des Occidentaux, appelle à l’évasion vers les grands espaces, le ciel, la mer. Couleur favorite de Zeus dans l’Antiquité, c’était à la fin du Moyen Âge, la teinte réservée au manteau de la Vierge. En privilégiant le bleu outremer IKB, Yves Klein a sans doute voulu rappeler son appropriation de l’espace et sa formule des années de prime jeunesse: «Je signe mon nom au dos du ciel ; je passe de l’autre côté du ciel.»
L’or constitue la plus proche représentation du soleil. Il en récupère toutes les significations : lumière, chaleur, vie. Dans les religions il symbolise la divinité, la connaissance, le rayonnement. Ainsi, les icônes du Bouddha sont dorées, en signe d’éveil et de perfection. Mais l’or, étalon des valeurs matérielles, cible suprême de l’alchimie et longtemps garantie des Bourses et des banques, est aussi le métal des puissants de ce monde. En somme, il est comme un trait d’union entre l’humanité et le divin.
Quant au rose, plusieurs pistes s’ouvrent pour éclairer ce choix : le prénom de sa tante si présente dans sa vie et qui l’a beaucoup aidé financièrement ; la fleur souvent représentée avec sainte Rita ; le rappel de son ancienne affiliation au cercle des Rose-Croix. Certains y voient aussi les trois étages colorés d’une flamme… Composé sur un Monogold, un monochrome or, l’important tableau Ci-gît l’Espace, avec une couronne bleue en éponge et un bouquet de roses, rassemble la trilogie des couleurs de Klein.
Alain Bouzerand, extrait de "Yves Klein, au-delà du bleu", éditions A Propos, p. 27