Publication, 2012, Frédéric Prot
Yves Klein Embrasure
L’espace d’une course météorique de huit ans, Yves Klein (1928-1962) met en œuvre un art immatériel du « réalisme merveilleux », destiné à « changer la vie » par une intime révolution esthétique de la personne. Les œuvres du feu et de l’air donnent forme à ce projet. L’aventure artistique d’Yves Klein est l’une des plus emblématiques du xxe siècle. Peinture, musique, sculpture, architecture, économie, religion, philosophie : elle aura tout investi pour s’accomplir. Libérée du système de la représentation et de la perspective forgé à la Renaissance, elle redimensionne l’art et en fait le grand stimulant de l’existence. Yves Klein élabore une esthétique du corps et de l’esprit sensible et étendue à la vie même. La couleur, l’immatériel et l’imagination viennent opérer une transfiguration du réel et une recon- version des valeurs. L’homme est invité à se surmonter : en faisant peau neuve, il se met lui-même en présence d’un monde redevenant création. Le feu en tant que « principe d’explication universelle » (Bachelard), destructeur et révélateur fonctionne dans l’œuvre comme l’élément plastique, métaphore de l’immatériel et autoportrait de l’artiste, Prométhée rimbaldien, voyant et voleur. Un puissant tropisme édénique ordonne le « réalisme merveilleux » d’Yves Klein, qui aspire à l’avènement d’un nouvel âge : celui de l’humanité bienheureuse et accomplie, ici et maintenant. Chacune de ses œuvres destine à une expérience intime de cette possibilité : monochromes, filles du feu. Le dépassement des paradoxes et des tiraillements de l’être dans une esthétique de l’existence.