• Conférence de la Sorbonne - 1. Présentation d'Iris Clert

Son, 1959

Conférence de la Sorbonne - 1. Présentation d'Iris Clert

Mesdames, Messieurs, j’ai le plaisir ce soir de présenter Yves Klein.

Yves Klein est fils de peintres. Après avoir étudié à l’École nationale de la Marine marchande 3 et à l’École nationale des Langues orientales, il est successivement libraire à Nice et entraîneur de chevaux de course en Irlande. En 1949, 1950 et 1951, il voyage à travers toute l’Europe. En 1952, il s’embarque pour le Japon où il étudie les arts martiaux anciens. Il revient du Japon après avoir obtenu le grade de ceinture noire, 4e dan, du Kôdôkan de Tokyo. Il est alors nommé directeur technique de la Fédération nationale de judo d’Espagne en 1954. Ayant continué à peindre pendant tout ce temps, et déjà dans sa manière monochrome depuis 1946, il publie simultanément Les fondements du Judo, chez Bernard Grasset à Paris, et un recueil de reproductions en couleur de ses œuvres, aux éditions Franco de Sarabia à Madrid, qui, importé à Paris, commence à attirer l’attention sur lui dès cette époque. En 1955, il décide d’abandonner toute activité judo pour la peinture et vient habiter Paris.

Je dois avouer que lorsque j’ai vu pour la première fois ses tableaux, j’ai été sidérée. J’ai voulu d’abord penser à un énorme canular et puis, petit à petit, malgré moi, je me suis laissée envoûter par la magie de la couleur pure, et j’ai compris. Mais comprendre quoi ? Il n’y a rien, s’écrie en soi soudain la personnalité en se réveillant en sursaut.

Yves Klein avait exposé, en 1955 et 1956, chez Colette Allendy à Paris. Je me suis décidée à l’exposer dans ma galerie en 1957. Il venait d’entrer dans son époque bleue, l’une des plus importantes manifestations de sa carrière de peintre. C’est là que je me suis tout de suite rendu compte du pouvoir extra-ordinaire de cette manière, inadmissible pourtant à première vue, dans le cadre des concepts, même les plus audacieux, établis et reconnus aujourd’hui. Si Casimir Malevitch est allé jusqu’à l’exaspération de la forme, Yves Klein est allé, lui, jusqu’à l’exaspération de la couleur et même plus loin encore, jusqu’à l’immatérialisation du tableau, exposition que j’ai présentée dans ma galerie en avril 1958 et qui fut un succès total. Entre-temps, il entreprit la réalisation de deux tableaux gigantesques dans le foyer de l’Opéra de Gelsenkirchen, en Allemagne, dont la maquette est exposée en ce moment dans ma galerie.

Aujourd’hui, toute une vague de suiveurs passionnés marchent sur ses pas dans toute l’Europe, en suivant son éthique, ce qui transforme ce jeune homme de trente et un ans soudain malgré lui en un chef d’école. C’est à ce titre qu’il va vous parler ce soir avec l’architecte Werner Ruhnau, son collaborateur dans l’architecture de l’air, de l’immatérialisation dans l’art.
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