Exposition, 19 oct. 1976 - 20 nov. 1976

Yves Klein, Feux

Galerie Karl Flinker, Paris, France

Cette matérialisation de l'immatériel qui l'obsède, Klein va la tenter aussi en 1961, un an avant sa mort, dans- ses « Feux », combustions de cartons forts (en amiante et pâte de bois suédoise surcompressée) opérées au moyen de brûleurs industriels à gaz de coke. Klein réalise ces œuvres prosaïquement à la Plaine-Saint-Denis, au Centre d'Essais expérimentaux du Gaz de France. Le brûleur sert de pinceau. A côté de l'artiste, un pompier surveille les opérations, et participe : un jet d'eau pour éteindre ou pour moduler la flamme. Le premier « Feu » porte une marque émouvante : la toile est percée dans un coin. Klein maniait encore son pinceau-flamme avec maladresse.

Des couleurs de soufre, orientales, barbares, mangent l'espace. La brûlure minéralise quelquefois le tableau. Des étincelles semblent rougeoyer. Dans certains cartons, le feu n'est pas maîtrisé. Sur d'autres, des calcinations brunes se posent comme des fleurs stylisées en rangées symétriques. Ici, le feu a seulement léché la toile. Ailleurs, la trace s'accentue, la fumée est marquée. Plus loin, l'amiante semblé entièrement embrasée, des morceaux calcinés sont prêts à s'effriter. Klein reprend le procédé des « Anthropométries » : il enduisait de peinture des femmes nues. Elles se frottaient ensuite sur la toile pour s'y imprimer. Maintenant l'eau remplace la peinture. Des femmes, torse mouillé, s'appliquent sur les surfaces sèches. Les parties imbibées échappent au feu, dessinant dans cet enfer en fer des plages plus pâles. Les deux éléments mêlés — le feu corrige l'eau ou vice versa — organisent souvent des ballets harmonieux, trop « jolis », décoratifs. Reviennent alors des valeurs dont Klein voulait purger la peinture : polychromie, spectacle, émotions dramatiques, sentiments — une littérature.

Texte de France HUSER écrit lors de l’exposition.