Préparation et présentation de l’exposition du 28 avril 1958 chez Iris Clert, 3 rue des Beaux-Arts, à Paris
« La spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée »
Époque Pneumatique
(De nombreux détails seront omis, ils seraient trop nombreux)
L’objet de cette tentative : créer, établir et présenter au public un état pictural sensible dans les limites d’une salle d’exposition de peintures. En d’autres termes, création d’une ambiance, d’un climat pictural réel et à cause de cela même invisible. Cet état pictural invisible dans l’espace de la galerie doit être littéralement ce que l’on a donné de mieux jusqu'à présent comme définition à la peinture en général, « rayonnement ».
Invisible et intangible, cette immatérialisation du tableau doit agir si l’opération de création réussit sur les véhicules ou corps sensibles, des visiteurs de l’Exposition avec beaucoup plus d’efficacité que les tableaux physiques, ordinaires et représentatifs habituels qui, dans le cas où ils sont évidemment de bons tableaux, sont aussi dotés de cette essence picturale particulière, de cette présence affective, en un mot, de sensibilité, mais transmise par la suggestion de toute l’apparence physique et psychologique du tableau, lignes, contours, formes, composition, opposition de couleurs, etc. Il n’y a, à présent, plus d’intermédiaire : on se trouve littéralement imprégné par l’état sensible pictural spécialisé et stabilisé au préalable par le peintre dans l’espace donné, et c’est une perception-assimilation directe et immédiate sans plus aucun effet, ni truc, ni supercherie.
À cet effet, donc, nous composons avec Iris Clert la carte d’invitation au vernissage dont le texte est de Pierre Restany. Ce texte brillamment laconique est très clair et nous décidons, vu l’importance de cette exposition pour l’histoire de l’art, de l’imprimer sur une carte d’un format informel mais « en anglaise » pour le solennel et surtout en relief pour que les aveugles puissent le lire (ils le sont tous, aveugles !) ; ceci dit sans intention péjorative ou agressive. L’encre employée sera bleue, évidemment, imprimée sur carte blanche.
Cette méthode symboliste en apparence ne l’est pas en réalité, puisque, en fait, tout se passe dans l’espace. C’est bien pour donner l’avant-goût de ce que sera l’Exposition : en fait, un espace de sensibilité bleue dans le cadre des murs blanchis de la galerie. (Le sang du corps de la sensibilité est bleu). On décide aussi d’envoyer les invitations sous enveloppe timbrée avec le redoutable timbre Bleu de l’époque bleue de l’année passée.
Iris Clert vous convie à honorer, de toute votre présence affective, l’avènement lucide et positif d’un certain règne du sensible. Cette manifestation de synthèse perceptive sanctionne chez Yves Klein la quête picturale d’une émotion extatique et immédiatement communicable. (vernissage, 3, rue des Beaux- Arts, le lundi 28 avril de 21 h. à 24 heures).
Pierre Restany
3 500 invitations sont envoyées, dont 3 000 sur Paris même. Nous décidons encore d’ajouter une sorte de bon d’entrée gratuite, précisant bien que sans cette petite carte spéciale le prix d’entrée sera de 1 500 francs par personne. M invitation pour deux personnes du 28 avril au 5 mai pour toute personne non munie de cette carte le prix d’entrée est de 1 500 F Cette manœuvre est nécessaire car bien que toute la sensibilité picturale que j’expose soit à vendre par lambeaux ou d’un seul bloc, les visiteurs dotés d’un corps ou véhicule propre de la sensibilité, pourront, malgré moi, bien que je retiendrai de toutes mes forces l’ensemble de l’Exposition en place, m’en dérober par imprégnation, consciemment ou non, quelque degré d’intensité. Et ça, ça surtout, ça doit se payer. Ce n’est vraiment pas cher, après tout, 1 500 francs. Ensuite, nous décidons du dispositif scénique et de la présentation matérielle de l’exposition. (Comme publicité : deux grandes affiches, place St-Germain-des-Prés, pour cinq jours seulement sont prévues, lettres bleues en relief sur fond blanc, texte : Galerie Iris Clert, 3, rue des Beaux-Arts, Yves le monochrome, du 28 avril au 5 mai. Ensuite, nous annonçons l’Exposition par petit encart ordinaire dans « Arts » et dans « Combat » pour Paris et dans « Arts » pour l’Amérique). La Galerie Iris Clert est toute petite, 20 m2 ; elle a vitrine et porte d’entrée sur rue. Nous fermerons l’entrée par la rue, et nous ferons passer le public par le couloir d’entrée de l’immeuble, dans lequel il y a une petite porte donnant dans le fond de la galerie. De l’extérieur de la rue, il sera impossible de voir autre chose que du Bleu, car je peindrai les vitres avec le Bleu de l’époque bleue de l’année passée. Sur et autour de la porte d’entrée de l’immeuble par où le public aura accès dans la Galerie par le couloir, je placerai un monumental dais recouvert de tissu bleu, toujours du même ton outremer foncé. De chaque côté de l’entrée, sous ce dais, seront placés le soir du vernissage, les Gardes Républicains en grande tenue présidentielle (cela est nécessaire pour le caractère officiel que je veux donner à l’Exposition et aussi parce que le véritable principe de la République, s’il était appliqué, me plaît, bien que je le trouve incomplet au jour d’aujourd’hui). Nous recevrons le public dans le couloir d’environ 32 m2, où un cocktail bleu sera servi (préparé par le Bar de La Coupole à Montparnasse, gin, cointreau, bleu de méthylène). Une fois dans le couloir, les visiteurs verront sur le mur de gauche, une grande tapisserie bleue qui masquera la petite porte d’accès dans la galerie. Nous prévoyons aussi un service d’ordre privé composé de quatre hommes prêts à toute éventualité pour faire face aux 3 000 personnes. C’est bien urgent et nécessaire, d’autant plus que je m’attends à des actes de vandalisme. Ils sont entraînés à la bagarre et recevront l’ordre absolu d’observer la plus grande courtoisie vis-à-vis du public tant que celui-ci se conduira décemment et ne manifestera pas trop désagréablement. Deux de ces « gardes du corps », en quelque sorte, seront placés à l’entrée de l’immeuble sur la rue, avec la Garde Républicaine, pour contrôler les cartes d’invitation et deux autres, à l’entrée de la Galerie, dans le couloir, sur les côtés de la tapisserie, feront entrer le public par groupe de dix à la fois seulement dans la Galerie. Moi, je me tiendrai à l’intérieur en leur demandant de ne pas stationner plus de 2 à 3 minutes au plus pour permettre à tous d’entrer. Dispositif scénique de la galerie : Afin de spécialiser l’ambiance de cette galerie, sa sensibilité picturale à l’état de matière première, en climat pictural particulier individuel, autonome et stabilisé : je dois, d’une part, pour la nettoyer des imprégnations des expositions précédentes et nombreuses, la blanchir. En peignant les murs en blanc, je désire par cet acte, non seulement purifier les lieux, mais encore et surtout en faire, par cette action et ce geste, momentanément mon espace de travail et de création, en un mot, mon atelier. Si, en passant une à plusieurs couches de couleur sur les murs de la Galerie avec ma technique habituelle, conscient de mon acte et enthousiasmé par le principe de la démonstration, je travaille comme à un grand tableau avec le meilleur de moi-même et toute la bonne volonté possible, avec du blanc lithopone pur et broyé dans mon vernis spécial à l’alcool, acétone et résine vinylique (qui ne tue pas le pigment pur en le fixant au support), étalé au rouleau laqueur ripolin, je pense atteindre mon but. En ne jouant pas au peintre en bâtiment, c’est-à-dire en me laissant aller à ma facture, à mon geste de peindre, libre et peut-être légèrement déformé par ma nature sensuelle, je pense que l’espace pictural que j’étais arrivé à stabiliser autrefois devant et autour de mes tableaux monochromes sera, dès lors, bien établi dans l’espace de la Galerie. Ma présence en action pendant l’exécution dans l’espace donné de l a Ga l e r i e c r é e r a le climat et l’ambiance rayonnante picturale qui règne habituellement dans tout atelier d’artiste doté d’un réel pouvoir ; une densité sensible abstraite mais réelle existera et vivra, par elle-même et pour elle-même, dans les lieux. Pour cela rien ne doit choquer la vue dans la Galerie qui cependant ne doit pas être trop nue délibérément. Donc, pas de meubles ; nous laisserons la vitrine encastrée dans le mur du fond, à gauche, et je la peindrai tout simplement en blanc comme tout le reste, sauf les montures en métal ; je laisserai le placard table de la vitrine sur la rue et je peindrai la partie bois en blanc, toujours de la même manière, et recouvrirai le dessus avec du tissu blanc. La vitre de la vitrine et de la porte d’entrée sur rue, condamnée, sera peinte en blanc comme l’ensemble. Tout sera blanc pour recevoir le climat pictural de la sensibilité du bleu immatérialisé. Je ne peindrai pas le plafond ni le plancher ; par terre, je laisserai en place la moquette gris-noir, neuve que vient de faire poser Iris il y a quelques jours. Pour bien préciser à l’extrême, que j’abandonne le Bleu matériel et physique, déchet et sang coagulé, issu de la matière première sensibilité de l’espace, je désire obtenir de la Préfecture de la Seine et de l’Électricité de France, l’autorisation d’illuminer l’Obélisque de la Place de la Concorde en Bleu. De telle manière que par des cadres bleus placés sur les projecteurs déjà installés, on illumine l’Obélisque tout en laissant la base dans l’ombre, ce qui en redonnant tout l’éclat mystique de la haute Antiquité à ce monument, apportera par la même occasion la solution au problème qui, en sculpture, depuis toujours se pose : le « socle ». En effet, ainsi éclairé, l’Obélisque planera, immuable et statique dans un monumental mouvement de l’imagination affective, dans l’espace, sur toute la Place de la Concorde, au-dessus des réverbères préhistoriques à gaz, dans la nuit, comme un immense trait vertical non ponctué d’exclamation ! Ainsi, le Bleu tangible et visible sera dehors, à l’extérieur, dans la rue, et, à l’intérieur, ce sera l’immatérialisation du Bleu. L’espace colore qui ne se voit pas, mais dans lequel on s’imprègne. Le mercredi 23 mai (sic), à 23 heures, l’autorisation d’illuminer l’Obélisque en Bleu pour le soir de notre Vernissage ayant été accordée par la Préfecture, Iris Clert et moi, nous avons rendez-vous Place de la Concorde avec les techniciens de l’e.d.f. Quand nous arrivons, de loin déjà, nous sommes transportés d’enthousiasme par cette vision extraordinaire d’une rare et exceptionnelle qualité. Les surfaces couvertes de hiéroglyphes deviennent une matière picturale d’une richesse profonde et mystérieuse, inouïe et bouleversante. C’est grandiose. Les essais sont en tout point concluants. Samedi matin, à 8 heures, je me mets au travail dans la Galerie. J’ai quarante-huit heures pour la peindre entièrement, tout seul. Dimanche, tout doit être terminé pour l’aérer proprement avant le Vernissage. Le tapissier pose le dais lundi matin. Lundi après-midi, à 14 heures, j’écris mon discours d’inauguration du mouvement de la sensibilité que je prononcerai après le Vernissage, vers 1 heure du matin, à La Coupole, entre amis, au drink final. Tout est prêt ; vers 19 heures, je suis dans la Galerie. Soudain le téléphone retentit (le téléphone sera pendant l’Exposition placé dehors, dans le couloir). C’est la Préfecture de Police. Une voix laconique m’annonce qu’on a décidé à la Préfecture de supprimer l’éclairage de l’Obélisque à cause du caractère trop personnel de cette manifestation et de la publicité faite autour de ce geste par la radio et les journaux 6. Je suis effondré… J’essaie de joindre Iris qui est partie se préparer pour le Vernissage qui va commencer à 21 heures. Je la trouve, elle est désespérée et se précipite à la Préfecture, mais c’est trop tard, tout le monde est parti, plus rien à faire. Le lendemain, nous apprenons que cette décision, brusque et imprévue, de l’autorité, est due aux coups de téléphone désobligeants et infâmes, de jaloux qui ont protesté calomnieusement contre cette faveur officielle à mon égard. À 20 heures, je me rends à La Coupole pour prendre le « cocktail bleu » préparé spécialement pour l’Exposition. À 20 heures 45, je suis à la Galerie. Derniers préparatifs. À 21 heures, arrivée de la Garde Républicaine en grande tenue. Je leur offre aussitôt un cocktail Bleu d’honneur avant qu’ils ne se placent sous le dais, à l’entrée, au gardeà- vous. Arrivée presque simultanée des quatre hommes du service d’ordre privé. Je leur explique leurs offices à chacun ; ils répètent, et déjà, les premiers visiteurs arrivent… 21 heures 30. Tout est comble, le couloir est plein, la galerie aussi. Dehors s’amasse la foule qui arrive difficilement à pénétrer à l’intérieur. 21 heures 45. C’est délirant. La foule est si dense qu’on ne peut plus bouger nulle part. Je me tiens dans la Galerie même. Chaque 3 minutes, je crie et répète à haute voix aux personnes qui s’entassent dans la Galerie de plus en plus (le service d’ordre n’arrive plus à les contenir et à régler les entrées et les sorties) : « Mesdames, Messieurs, veuillez avoir l’extrême gentillesse de bien vouloir ne pas stationner trop longtemps dans la Galerie pour permettre aux autres visiteurs, qui attendent dehors, d’entrer à leur tour. » 21 heures 45. Restany arrive conduit en voiture par Bruning de Düsseldorf à Paris, juste en même temps que Kricke, avec sa femme qui sont venus aussi. 21 heures 50. J’aperçois soudain, dans la Galerie, un jeune homme en train de dessiner sur un mur. Je me précipite, l’arrête et lui demande de sortir poliment, mais très fermement. En l’accompagnant jusqu'à la petite porte à l’extérieur de laquelle se trouvent les deux gardes (la foule dans la galerie est silencieuse et attend ce qui va se passer), je crie aux gardes qui sont à l’extérieur : « Saisissez cet homme et jetez-le dehors avec violence. » Il est littéralement extirpé et disparaît happé par mes gardes. 22 heures. La police en force (trois cars pleins) arrive par la rue de Seine ; les pompiers en force, eux aussi, avec même la grande échelle, arrivent par la rue Bonaparte, mais ne peuvent s’engager plus loin qu’au niveau de la Galerie Claude Bernard, à travers la foule, dans la rue des Beaux-Arts… 22 heures 10. 2 500 à 3 000 personnes sont dans la rue ; la police par la rue de Seine, les pompiers par la rue Bonaparte tentent de repousser la foule vers les quais de la Seine. Pendant qu’une patrouille se présente à l’entrée pour demander des explications (certaines personnes, furieuses d’avoir payé 1 500 francs d’entrée pour ne rien voir du tout de leurs yeux à l’intérieur, sont allées se plaindre), mes gardes du corps leur déclarent laconiquement et fermement : « Ici nous avons notre service d’ordre personnel, nous n’avons pas besoin de vous. » La patrouille ne peut pénétrer légalement et se retire. 22 heures 20. Arrivée du représentant de l’ordre de St-Sébastien en grande tenue (bicorne et cape à la croix de Malte rouge). Beaucoup de peintres se trouvent à un même moment dans la salle. Camille Bryen s’exclame : « En somme, c’est une exposition de peintres ici ! » Dans l’ensemble, la foule entre dans la Galerie en colère et en ressort satisfaite pleinement. C’est ce que la Grande Presse sera contrainte de constater officiellement en écrivant que 40 % des visiteurs sont positifs, captant l’état sensible pictural, et saisis par le climat intense qui règne, terrible dans le vide, apparent, de la salle d’exposition. 22 heures 30. Les Gardes Républicains se retirent écœurés ; les élèves des Beaux-Arts, depuis une heure, leur tapent sur l’épaule familièrement et leur demandent où ils ont loué leurs costumes et s’ils sont des figurants de cinéma ! 22 heures 50. Cocktail bleu épuisé, on court à La Coupole en chercher encore. Arrivée de deux jolies Japonaises en kimonos extraordinaires. 23 heures. La foule qui a été dispersée au dehors par la police et les pompiers revient par petits groupes exaspérés. À l’intérieur, ça grouille toujours autant. Minuit et demi. Nous fermons et partons à La Coupole. À La Coupole, grande table de quarante personnes au fond. 1 heure du matin. Je prononce en tremblant de fatigue mon discours révolutionnaire. (voir discours à la suite). 1 heure 15. Iris s’évanouit ! Lendemain matin. Convocation urgente d’Iris à la Garde Républicaine. Là, elle subit un interrogatoire de deux heures et est inculpée d’atteinte à la dignité de la République. Tout est réparé le lendemain lorsque le Commandant en Chef de la Garde vient visiter lui-même les lieux (du soi-disant délit d’après les calomniateurs). L’exposition prévue pour 8 jours doit être prolongée une semaine de plus. Chaque jour, plus de deux cents visiteurs se précipitent à l’intérieur du siècle (sic). L’expérience humaine est d’une portée considérable presque indescriptible. Certains ne pourront pas entrer, comme si un mur invisible les en empêchait. L’un des visiteurs me crie un jour de la porte : « Je reviendrai quand ce vide sera plein… » Je lui réponds : « Lorsqu’il sera plein, vous ne pourrez plus entrer ». Souvent, certaines personnes restent des heures à l’intérieur sans dire un mot et certaines tremblent ou se mettent à pleurer. J’ai vendu deux tableaux immatériels à cette exposition. Croyez-moi, on n’est pas volé quand on achète de tels tableaux. C’est moi qui suis toujours volé parce que j’accepte de l’argent. C’est pour cela qu’à Anvers, au Hessenhuis, dans cette exposition de groupe avec Breer, Bury, Mack, Munari, Uecker 7, Piene, Rot, Soto, Spœrri et Tinguely, je n’ai même plus voulu peindre un ou plusieurs murs ni faire un geste quelconque figuratif, balayer, ou brosser les murs, avec même un pinceau sec sans peinture, non, j’ai tout simplement tenu à me rendre sur les lieux, au jour du vernissage, pour dire à tous, dans l’espace qui m’était réservé : « D’abord il n’y a rien, ensuite il y a un rien profond, puis une profondeur bleue 8. » (d’après G. Bachelard). Je ne veux plus qu’on m’achète cela pour de l’argent à présent. J’ai demandé, pour mes trois états picturaux exposés, de l’or pur. Un kilo d’or par œuvre. Voilà qui est net et clair enfin,… enfin pour l’instant ; après on verra la suite, qui ne saurait tarder à venir. Car pour moi, il n’y a plus de problèmes. Comme je l’ai dit au début de ce texte : « J’ai dépassé la problématique de l’art. »
« La spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée »
Époque Pneumatique
(De nombreux détails seront omis, ils seraient trop nombreux)
L’objet de cette tentative : créer, établir et présenter au public un état pictural sensible dans les limites d’une salle d’exposition de peintures. En d’autres termes, création d’une ambiance, d’un climat pictural réel et à cause de cela même invisible. Cet état pictural invisible dans l’espace de la galerie doit être littéralement ce que l’on a donné de mieux jusqu'à présent comme définition à la peinture en général, « rayonnement ».
Invisible et intangible, cette immatérialisation du tableau doit agir si l’opération de création réussit sur les véhicules ou corps sensibles, des visiteurs de l’Exposition avec beaucoup plus d’efficacité que les tableaux physiques, ordinaires et représentatifs habituels qui, dans le cas où ils sont évidemment de bons tableaux, sont aussi dotés de cette essence picturale particulière, de cette présence affective, en un mot, de sensibilité, mais transmise par la suggestion de toute l’apparence physique et psychologique du tableau, lignes, contours, formes, composition, opposition de couleurs, etc. Il n’y a, à présent, plus d’intermédiaire : on se trouve littéralement imprégné par l’état sensible pictural spécialisé et stabilisé au préalable par le peintre dans l’espace donné, et c’est une perception-assimilation directe et immédiate sans plus aucun effet, ni truc, ni supercherie.
À cet effet, donc, nous composons avec Iris Clert la carte d’invitation au vernissage dont le texte est de Pierre Restany. Ce texte brillamment laconique est très clair et nous décidons, vu l’importance de cette exposition pour l’histoire de l’art, de l’imprimer sur une carte d’un format informel mais « en anglaise » pour le solennel et surtout en relief pour que les aveugles puissent le lire (ils le sont tous, aveugles !) ; ceci dit sans intention péjorative ou agressive. L’encre employée sera bleue, évidemment, imprimée sur carte blanche.
Cette méthode symboliste en apparence ne l’est pas en réalité, puisque, en fait, tout se passe dans l’espace. C’est bien pour donner l’avant-goût de ce que sera l’Exposition : en fait, un espace de sensibilité bleue dans le cadre des murs blanchis de la galerie. (Le sang du corps de la sensibilité est bleu). On décide aussi d’envoyer les invitations sous enveloppe timbrée avec le redoutable timbre Bleu de l’époque bleue de l’année passée.
Iris Clert vous convie à honorer, de toute votre présence affective, l’avènement lucide et positif d’un certain règne du sensible. Cette manifestation de synthèse perceptive sanctionne chez Yves Klein la quête picturale d’une émotion extatique et immédiatement communicable. (vernissage, 3, rue des Beaux- Arts, le lundi 28 avril de 21 h. à 24 heures).
Pierre Restany
3 500 invitations sont envoyées, dont 3 000 sur Paris même. Nous décidons encore d’ajouter une sorte de bon d’entrée gratuite, précisant bien que sans cette petite carte spéciale le prix d’entrée sera de 1 500 francs par personne. M invitation pour deux personnes du 28 avril au 5 mai pour toute personne non munie de cette carte le prix d’entrée est de 1 500 F Cette manœuvre est nécessaire car bien que toute la sensibilité picturale que j’expose soit à vendre par lambeaux ou d’un seul bloc, les visiteurs dotés d’un corps ou véhicule propre de la sensibilité, pourront, malgré moi, bien que je retiendrai de toutes mes forces l’ensemble de l’Exposition en place, m’en dérober par imprégnation, consciemment ou non, quelque degré d’intensité. Et ça, ça surtout, ça doit se payer. Ce n’est vraiment pas cher, après tout, 1 500 francs. Ensuite, nous décidons du dispositif scénique et de la présentation matérielle de l’exposition. (Comme publicité : deux grandes affiches, place St-Germain-des-Prés, pour cinq jours seulement sont prévues, lettres bleues en relief sur fond blanc, texte : Galerie Iris Clert, 3, rue des Beaux-Arts, Yves le monochrome, du 28 avril au 5 mai. Ensuite, nous annonçons l’Exposition par petit encart ordinaire dans « Arts » et dans « Combat » pour Paris et dans « Arts » pour l’Amérique). La Galerie Iris Clert est toute petite, 20 m2 ; elle a vitrine et porte d’entrée sur rue. Nous fermerons l’entrée par la rue, et nous ferons passer le public par le couloir d’entrée de l’immeuble, dans lequel il y a une petite porte donnant dans le fond de la galerie. De l’extérieur de la rue, il sera impossible de voir autre chose que du Bleu, car je peindrai les vitres avec le Bleu de l’époque bleue de l’année passée. Sur et autour de la porte d’entrée de l’immeuble par où le public aura accès dans la Galerie par le couloir, je placerai un monumental dais recouvert de tissu bleu, toujours du même ton outremer foncé. De chaque côté de l’entrée, sous ce dais, seront placés le soir du vernissage, les Gardes Républicains en grande tenue présidentielle (cela est nécessaire pour le caractère officiel que je veux donner à l’Exposition et aussi parce que le véritable principe de la République, s’il était appliqué, me plaît, bien que je le trouve incomplet au jour d’aujourd’hui). Nous recevrons le public dans le couloir d’environ 32 m2, où un cocktail bleu sera servi (préparé par le Bar de La Coupole à Montparnasse, gin, cointreau, bleu de méthylène). Une fois dans le couloir, les visiteurs verront sur le mur de gauche, une grande tapisserie bleue qui masquera la petite porte d’accès dans la galerie. Nous prévoyons aussi un service d’ordre privé composé de quatre hommes prêts à toute éventualité pour faire face aux 3 000 personnes. C’est bien urgent et nécessaire, d’autant plus que je m’attends à des actes de vandalisme. Ils sont entraînés à la bagarre et recevront l’ordre absolu d’observer la plus grande courtoisie vis-à-vis du public tant que celui-ci se conduira décemment et ne manifestera pas trop désagréablement. Deux de ces « gardes du corps », en quelque sorte, seront placés à l’entrée de l’immeuble sur la rue, avec la Garde Républicaine, pour contrôler les cartes d’invitation et deux autres, à l’entrée de la Galerie, dans le couloir, sur les côtés de la tapisserie, feront entrer le public par groupe de dix à la fois seulement dans la Galerie. Moi, je me tiendrai à l’intérieur en leur demandant de ne pas stationner plus de 2 à 3 minutes au plus pour permettre à tous d’entrer. Dispositif scénique de la galerie : Afin de spécialiser l’ambiance de cette galerie, sa sensibilité picturale à l’état de matière première, en climat pictural particulier individuel, autonome et stabilisé : je dois, d’une part, pour la nettoyer des imprégnations des expositions précédentes et nombreuses, la blanchir. En peignant les murs en blanc, je désire par cet acte, non seulement purifier les lieux, mais encore et surtout en faire, par cette action et ce geste, momentanément mon espace de travail et de création, en un mot, mon atelier. Si, en passant une à plusieurs couches de couleur sur les murs de la Galerie avec ma technique habituelle, conscient de mon acte et enthousiasmé par le principe de la démonstration, je travaille comme à un grand tableau avec le meilleur de moi-même et toute la bonne volonté possible, avec du blanc lithopone pur et broyé dans mon vernis spécial à l’alcool, acétone et résine vinylique (qui ne tue pas le pigment pur en le fixant au support), étalé au rouleau laqueur ripolin, je pense atteindre mon but. En ne jouant pas au peintre en bâtiment, c’est-à-dire en me laissant aller à ma facture, à mon geste de peindre, libre et peut-être légèrement déformé par ma nature sensuelle, je pense que l’espace pictural que j’étais arrivé à stabiliser autrefois devant et autour de mes tableaux monochromes sera, dès lors, bien établi dans l’espace de la Galerie. Ma présence en action pendant l’exécution dans l’espace donné de l a Ga l e r i e c r é e r a le climat et l’ambiance rayonnante picturale qui règne habituellement dans tout atelier d’artiste doté d’un réel pouvoir ; une densité sensible abstraite mais réelle existera et vivra, par elle-même et pour elle-même, dans les lieux. Pour cela rien ne doit choquer la vue dans la Galerie qui cependant ne doit pas être trop nue délibérément. Donc, pas de meubles ; nous laisserons la vitrine encastrée dans le mur du fond, à gauche, et je la peindrai tout simplement en blanc comme tout le reste, sauf les montures en métal ; je laisserai le placard table de la vitrine sur la rue et je peindrai la partie bois en blanc, toujours de la même manière, et recouvrirai le dessus avec du tissu blanc. La vitre de la vitrine et de la porte d’entrée sur rue, condamnée, sera peinte en blanc comme l’ensemble. Tout sera blanc pour recevoir le climat pictural de la sensibilité du bleu immatérialisé. Je ne peindrai pas le plafond ni le plancher ; par terre, je laisserai en place la moquette gris-noir, neuve que vient de faire poser Iris il y a quelques jours. Pour bien préciser à l’extrême, que j’abandonne le Bleu matériel et physique, déchet et sang coagulé, issu de la matière première sensibilité de l’espace, je désire obtenir de la Préfecture de la Seine et de l’Électricité de France, l’autorisation d’illuminer l’Obélisque de la Place de la Concorde en Bleu. De telle manière que par des cadres bleus placés sur les projecteurs déjà installés, on illumine l’Obélisque tout en laissant la base dans l’ombre, ce qui en redonnant tout l’éclat mystique de la haute Antiquité à ce monument, apportera par la même occasion la solution au problème qui, en sculpture, depuis toujours se pose : le « socle ». En effet, ainsi éclairé, l’Obélisque planera, immuable et statique dans un monumental mouvement de l’imagination affective, dans l’espace, sur toute la Place de la Concorde, au-dessus des réverbères préhistoriques à gaz, dans la nuit, comme un immense trait vertical non ponctué d’exclamation ! Ainsi, le Bleu tangible et visible sera dehors, à l’extérieur, dans la rue, et, à l’intérieur, ce sera l’immatérialisation du Bleu. L’espace colore qui ne se voit pas, mais dans lequel on s’imprègne. Le mercredi 23 mai (sic), à 23 heures, l’autorisation d’illuminer l’Obélisque en Bleu pour le soir de notre Vernissage ayant été accordée par la Préfecture, Iris Clert et moi, nous avons rendez-vous Place de la Concorde avec les techniciens de l’e.d.f. Quand nous arrivons, de loin déjà, nous sommes transportés d’enthousiasme par cette vision extraordinaire d’une rare et exceptionnelle qualité. Les surfaces couvertes de hiéroglyphes deviennent une matière picturale d’une richesse profonde et mystérieuse, inouïe et bouleversante. C’est grandiose. Les essais sont en tout point concluants. Samedi matin, à 8 heures, je me mets au travail dans la Galerie. J’ai quarante-huit heures pour la peindre entièrement, tout seul. Dimanche, tout doit être terminé pour l’aérer proprement avant le Vernissage. Le tapissier pose le dais lundi matin. Lundi après-midi, à 14 heures, j’écris mon discours d’inauguration du mouvement de la sensibilité que je prononcerai après le Vernissage, vers 1 heure du matin, à La Coupole, entre amis, au drink final. Tout est prêt ; vers 19 heures, je suis dans la Galerie. Soudain le téléphone retentit (le téléphone sera pendant l’Exposition placé dehors, dans le couloir). C’est la Préfecture de Police. Une voix laconique m’annonce qu’on a décidé à la Préfecture de supprimer l’éclairage de l’Obélisque à cause du caractère trop personnel de cette manifestation et de la publicité faite autour de ce geste par la radio et les journaux 6. Je suis effondré… J’essaie de joindre Iris qui est partie se préparer pour le Vernissage qui va commencer à 21 heures. Je la trouve, elle est désespérée et se précipite à la Préfecture, mais c’est trop tard, tout le monde est parti, plus rien à faire. Le lendemain, nous apprenons que cette décision, brusque et imprévue, de l’autorité, est due aux coups de téléphone désobligeants et infâmes, de jaloux qui ont protesté calomnieusement contre cette faveur officielle à mon égard. À 20 heures, je me rends à La Coupole pour prendre le « cocktail bleu » préparé spécialement pour l’Exposition. À 20 heures 45, je suis à la Galerie. Derniers préparatifs. À 21 heures, arrivée de la Garde Républicaine en grande tenue. Je leur offre aussitôt un cocktail Bleu d’honneur avant qu’ils ne se placent sous le dais, à l’entrée, au gardeà- vous. Arrivée presque simultanée des quatre hommes du service d’ordre privé. Je leur explique leurs offices à chacun ; ils répètent, et déjà, les premiers visiteurs arrivent… 21 heures 30. Tout est comble, le couloir est plein, la galerie aussi. Dehors s’amasse la foule qui arrive difficilement à pénétrer à l’intérieur. 21 heures 45. C’est délirant. La foule est si dense qu’on ne peut plus bouger nulle part. Je me tiens dans la Galerie même. Chaque 3 minutes, je crie et répète à haute voix aux personnes qui s’entassent dans la Galerie de plus en plus (le service d’ordre n’arrive plus à les contenir et à régler les entrées et les sorties) : « Mesdames, Messieurs, veuillez avoir l’extrême gentillesse de bien vouloir ne pas stationner trop longtemps dans la Galerie pour permettre aux autres visiteurs, qui attendent dehors, d’entrer à leur tour. » 21 heures 45. Restany arrive conduit en voiture par Bruning de Düsseldorf à Paris, juste en même temps que Kricke, avec sa femme qui sont venus aussi. 21 heures 50. J’aperçois soudain, dans la Galerie, un jeune homme en train de dessiner sur un mur. Je me précipite, l’arrête et lui demande de sortir poliment, mais très fermement. En l’accompagnant jusqu'à la petite porte à l’extérieur de laquelle se trouvent les deux gardes (la foule dans la galerie est silencieuse et attend ce qui va se passer), je crie aux gardes qui sont à l’extérieur : « Saisissez cet homme et jetez-le dehors avec violence. » Il est littéralement extirpé et disparaît happé par mes gardes. 22 heures. La police en force (trois cars pleins) arrive par la rue de Seine ; les pompiers en force, eux aussi, avec même la grande échelle, arrivent par la rue Bonaparte, mais ne peuvent s’engager plus loin qu’au niveau de la Galerie Claude Bernard, à travers la foule, dans la rue des Beaux-Arts… 22 heures 10. 2 500 à 3 000 personnes sont dans la rue ; la police par la rue de Seine, les pompiers par la rue Bonaparte tentent de repousser la foule vers les quais de la Seine. Pendant qu’une patrouille se présente à l’entrée pour demander des explications (certaines personnes, furieuses d’avoir payé 1 500 francs d’entrée pour ne rien voir du tout de leurs yeux à l’intérieur, sont allées se plaindre), mes gardes du corps leur déclarent laconiquement et fermement : « Ici nous avons notre service d’ordre personnel, nous n’avons pas besoin de vous. » La patrouille ne peut pénétrer légalement et se retire. 22 heures 20. Arrivée du représentant de l’ordre de St-Sébastien en grande tenue (bicorne et cape à la croix de Malte rouge). Beaucoup de peintres se trouvent à un même moment dans la salle. Camille Bryen s’exclame : « En somme, c’est une exposition de peintres ici ! » Dans l’ensemble, la foule entre dans la Galerie en colère et en ressort satisfaite pleinement. C’est ce que la Grande Presse sera contrainte de constater officiellement en écrivant que 40 % des visiteurs sont positifs, captant l’état sensible pictural, et saisis par le climat intense qui règne, terrible dans le vide, apparent, de la salle d’exposition. 22 heures 30. Les Gardes Républicains se retirent écœurés ; les élèves des Beaux-Arts, depuis une heure, leur tapent sur l’épaule familièrement et leur demandent où ils ont loué leurs costumes et s’ils sont des figurants de cinéma ! 22 heures 50. Cocktail bleu épuisé, on court à La Coupole en chercher encore. Arrivée de deux jolies Japonaises en kimonos extraordinaires. 23 heures. La foule qui a été dispersée au dehors par la police et les pompiers revient par petits groupes exaspérés. À l’intérieur, ça grouille toujours autant. Minuit et demi. Nous fermons et partons à La Coupole. À La Coupole, grande table de quarante personnes au fond. 1 heure du matin. Je prononce en tremblant de fatigue mon discours révolutionnaire. (voir discours à la suite). 1 heure 15. Iris s’évanouit ! Lendemain matin. Convocation urgente d’Iris à la Garde Républicaine. Là, elle subit un interrogatoire de deux heures et est inculpée d’atteinte à la dignité de la République. Tout est réparé le lendemain lorsque le Commandant en Chef de la Garde vient visiter lui-même les lieux (du soi-disant délit d’après les calomniateurs). L’exposition prévue pour 8 jours doit être prolongée une semaine de plus. Chaque jour, plus de deux cents visiteurs se précipitent à l’intérieur du siècle (sic). L’expérience humaine est d’une portée considérable presque indescriptible. Certains ne pourront pas entrer, comme si un mur invisible les en empêchait. L’un des visiteurs me crie un jour de la porte : « Je reviendrai quand ce vide sera plein… » Je lui réponds : « Lorsqu’il sera plein, vous ne pourrez plus entrer ». Souvent, certaines personnes restent des heures à l’intérieur sans dire un mot et certaines tremblent ou se mettent à pleurer. J’ai vendu deux tableaux immatériels à cette exposition. Croyez-moi, on n’est pas volé quand on achète de tels tableaux. C’est moi qui suis toujours volé parce que j’accepte de l’argent. C’est pour cela qu’à Anvers, au Hessenhuis, dans cette exposition de groupe avec Breer, Bury, Mack, Munari, Uecker 7, Piene, Rot, Soto, Spœrri et Tinguely, je n’ai même plus voulu peindre un ou plusieurs murs ni faire un geste quelconque figuratif, balayer, ou brosser les murs, avec même un pinceau sec sans peinture, non, j’ai tout simplement tenu à me rendre sur les lieux, au jour du vernissage, pour dire à tous, dans l’espace qui m’était réservé : « D’abord il n’y a rien, ensuite il y a un rien profond, puis une profondeur bleue 8. » (d’après G. Bachelard). Je ne veux plus qu’on m’achète cela pour de l’argent à présent. J’ai demandé, pour mes trois états picturaux exposés, de l’or pur. Un kilo d’or par œuvre. Voilà qui est net et clair enfin,… enfin pour l’instant ; après on verra la suite, qui ne saurait tarder à venir. Car pour moi, il n’y a plus de problèmes. Comme je l’ai dit au début de ce texte : « J’ai dépassé la problématique de l’art. »
Technique | Tapuscrit sur papier pelure avec des annotations manuscrites |