Yves Klein, né le 28 avril 1928 à Nice, avait pour première vocation d'être judoka. En 1954, il se tourne définitivement vers l'art et entame son « Aventure monochrome ».

Animé par l’idée consistant à « libérer la couleur de la prison de la ligne », Yves Klein se tourne vers la monochromie car c’est pour lui la seule manière de peindre permettant de « voir ce que l’absolu avait de visible ».

Privilégiant l’expression de la sensibilité plus que la figuration dans la forme, Yves Klein va au-delà de toute représentation artistique et conçoit l'œuvre d'art comme la trace de la communication de l'artiste avec le monde. C'est la réalité invisible qui devient visible. Ses œuvres sont « les cendres de son art ».

L'œuvre d'Yves Klein révèle une conception nouvelle de la fonction de l'artiste. Selon lui, la beauté existe déjà, à l'état invisible. Sa tâche consiste à la saisir partout où elle est, dans l'air et dans la matière. Yves Klein a fait de sa vie tout entière une œuvre d’art.

Dans sa quête d’immatérialité et d’infini, Yves Klein adopte le bleu outremer comme véhicule. De ce bleu plus que bleu, qu’il nommera « IKB » (International Klein Blue), irradie une vibration colorée qui n’engage pas seulement le regard du spectateur : c’est l’esprit qui voit avec les yeux.

De ses monochromes, au vide, à la "technique des pinceaux vivants" ou "Anthropométrie", jusqu'à l'emploi des éléments de la nature afin de manifester leur force créatrice ou de l’or qu’il utilise comme un passage vers l’absolu, il a conçu une œuvre qui traverse les frontières de l'art conceptuel, corporel et du happening.

Juste avant de mourir, Yves Klein confie à un ami : "Je vais entrer dans le plus grand atelier du monde. Et je n'y ferai que des œuvres immatérielles."

Entre mai 1954 et le 6 juin 1962, date de sa mort, Yves Klein aura brûlé sa vie pour réaliser une œuvre flamboyante qui a marqué son époque et qui rayonne encore aujourd’hui.
The Heartbeat of France
Portrait d'Yves Klein réalisé à l'occasion du tournage de Peter Morley "The Heartbeat of France", 1961  Studio de Charles Wilp, Düsseldorf, Allemagne
© Photo : Charles Wilp / BPK, Berlin

1928 - 1953

Les prémices d’une œuvre

Né à Nice en 1928, de parents peintres – Fred Klein (1898-1990) et Marie Raymond (1908-1989) – Yves Klein est un autodidacte. Pendant son enfance, la famille Klein habite entre Paris et Nice. Très jeune, Yves travaille dans la librairie de sa tante à Nice où il se lie d’amitié avec le futur artiste Arman et le poète Claude Pascal.

Attiré par le voyage, entre 1948 et 1953, il effectue plusieurs séjours tout d’abord en Italie, puis en Angleterre — où il travaille chez un encadreur et s’initie à la dorure à la feuille— en Irlande, en Espagne et enfin au Japon.

Pendant ces années, Yves consacre beaucoup de temps au judo : titulaire du prestigieux grade de 4e dan, il l’enseigne régulièrement et le documente. Ses journaux de voyage mentionnent, dès la fin des années 1940, la réalisation de monochromes sur papier. À la même époque, il imagine une Symphonie Monoton-Silence et écrit des scénarios de films sur l’art.
  • 1928 → 1938

    Le 28 avril 1928, Yves Klein naît à Nice. Son père, Frédéric Klein, dit Fred Klein (Bandung, 1898 - Paris, 1990), Néerlandais né en Indonésie, est un peintre figuratif. Sa mère, née Marie Raymond (La Colle-sur-Loup, 1908 - Paris, 1989) est alors une jeune artiste et s’affirmera plus tard comme peintre abstrait.

    Yves vit son enfance entre Cagnes-sur-Mer à La Goulette, une vielle maison dans le Haut-de-Cagnes, Paris et ses banlieues et Nice où la famille est accueillie dans des périodes de difficultés financières chez les parents de Marie. À Nice, Yves séjourne aussi à maintes reprises chez sa tante Rose Raymond. L’affection de celle-ci ainsi que ses attentions et son aide matérielle le soutiendront tout au long de sa vie.  

    En 1937, Marie et Fred participent à l’Exposition universelle de Paris avec une fresque sur le thème des quatre éléments pour la décoration du pavillon de la Côte d’Azur, fresque financée par les Parfumeries de Grasse.
  • 1939 → 1946

    Les Klein sont surpris par la guerre à Cagnes-sur-Mer. Ils vendent La Goulette et louent une maison dans le Haut-de-Cagnes. Les parents Klein fréquentent Nicolas de Staël qui est installé à Nice avec sa compagne Jeannine Guillou et le fils de celle-ci, Antek, un camarade de jeu d’Yves. Ils y rencontrent les artistes du Groupe de Grasse : Alberto Magnelli, Jean Arp, Sophie Taeuber, Sonia et Robert Delaunay, etc.

    De retour à Paris, entre 1946 et 1954, Marie Raymond tient des réunions hebdomadaires à son domicile, tous les lundis. Y sont conviés des représentants du monde de l’art et des lettres, des peintres de toutes les tendances ainsi que des artistes de la nouvelle génération. Lorsqu’il est à Paris, Yves fréquente de temps en temps ces soirées.
  • 1947 → 1948

    En 1947, de retour à Nice, il travaille dans la librairie que Rose Raymond a installée pour lui dans son magasin.

    Durant l’été, en s’inscrivant au club de judo du quartier général de la Police, Yves Klein fait la connaissance de Claude Pascal et d’Armand Fernandez, le futur Arman.

    Réunis par un grand attrait pour l'exercice physique, ils aspirent tous les trois à « l'Aventure » du voyage, de la création, de la spiritualité. Le judo fut pour Yves la première expérience de l'espace "spirituel".

    Sur la plage de Nice, les trois amis choisissent de "se partager le monde": à Armand revient la terre et ses richesses, à Claude Pascal l'air, et à Yves le ciel et son infini :

    "(...) alors que j'étais encore un adolescent, en 1946, j'allais signer mon nom de l'autre côté du ciel durant un fantastique voyage "réalistico-imaginaire". Ce jour-là, alors que j'étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci, de-là, dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu'ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres".
    Yves Klein, Manifeste de l'Hôtel Chelsea, New York, 1961
    En août 1948, il effectue un voyage en auto-stop en Italie : Gênes, Portofino, Rapallo, Santa Margherita, Pise, Florence, Rome, Naples, Capri, Ischia, Pompéi, Reggio, Messine, Palerme, Venise, puis retour à Nice.  

    Le 18 novembre, il part faire son service militaire en zone d’occupation française en Allemagne, près du lac de Constance.  

    Yves Klein élabore le projet d’une Symphonie Monoton-Silence, composition musicale à un seul ton, suivie d’un long silence, qui est l’équivalent sonore du monochrome en peinture.
  • 1949

    Son service militaire achevé, Yves part en Angleterre avec Claude Pascal, afin d’améliorer son anglais. À Londres, il trouve un emploi chez l’encadreur Robert Savage, qui avait préparé l’exposition de Fred Klein à Londres en 1946. Le séjour chez Savage sera pour lui un apprentissage de la rigueur dans le travail. Yves pratique alors la dorure à la feuille d’or. Il poursuit en même temps les entraînements de judo.  

    Entre la fin 1949 et le début de 1950, Yves réalise ses premiers monochromes, à la gouache et au pastel sur papier ou sur carton et les expose dans sa chambre à Londres, pour ses amis.
  • 1950

    Le 4 avril 1950, Yves et Claude quittent Londres pour se rendre en Irlande, à Dublin. Peu après, ils s’installent et travaillent dans un club d’équitation, le Jockey Hall.  

    Le 28 août, il retourne à Londres et reprend son travail chez l’encadreur Savage, puis rentre à Nice en décembre.
  • 1951

    Le 3 février 1951, Yves Klein part pour Madrid afin d’y étudier l’espagnol. À l’origine, Claude Pascal et Yves avaient projeté un tour du monde initiatique. Des ennuis de santé empêchèrent Pascal de partir. Il continue à pratiquer le judo, visite des musées et se rend à Tolède. Non sans difficultés, il réussit à trouver du travail : il donne des cours de français et à partir du mois d’avril, enseigne le judo dans le club Bushido Kwaï où il se lie d’amitié avec le directeur Fernando Franco de Sarabia, fils d’éditeur. Pendant son séjour, Yves réalise des peintures monochromes.  

    En octobre, Yves s’installe à Paris et prend contact par courrier avec l’Institut franco-japonais de Tokyo.
  • 1952

    En juin 1952, Yves publie son article « Des bases (fausses), principes, etc. et condamnation de l’évolution », dans le premier numéro de la revue lettriste Soulèvement de la jeunesse.  

    Le 22 août, Yves embarque à Marseille sur La Marseillaise pour le Japon. Il fera escale à Port-Saïd, Djibouti, Colombo, Singapour, Saigon, Manille et Hong Kong.  

    Le 23 septembre, il arrive à Yokohama, accueilli par des amis de sa famille dont le critique d’art Takachiyo Uemura. Il passera quinze mois au Japon.  

    Au Japon, il partage son temps entre l’Institut de judo Kôdôkan et les leçons de français qu’il donne à des étudiants américains et japonais. Durant ce séjour, il prépare un livre sur le judo dans le but d’importer en Europe l’esprit et la technique des Katas japonais.
  • 1953

    En janvier 1953, Yves devient ceinture noire 1er dan. Avec Harold Sharp, un ami américain, il commence à réaliser des films documentaires sur le judo montrant des mouvements effectués par de grands maîtres japonais. En prévision du livre qu’Yves envisage de publier sur le judo, Sharp fait aussi de nombreuses prises de vue de son ami en train de réaliser des combats et des “katas”.  

    Yves organise les expositions « Marie Raymond & Fred Klein » à l’Institut franco-japonais de Tokyo et à la Bridgestone Gallery de Tokyo. La vente d’œuvres de ses parents l’aide à financer son séjour. À l’occasion d’une soirée avec des amis, il expose dans son appartement des gouaches monochromes.  

    Au cours de l’année, il propose à un producteur japonais de réaliser un film qu’il intitulera « La marque de l’immédiat » dans son journal Dimanche 27 novembre (1960). Il conçoit aussi un film expérimental visant à créer des formes abstraites dynamiques et des empreintes sur la pellicule à partir de mouvements de judo.  

    En décembre, le Kôdôkan lui décerne le 4e dan de judo.  

    Fin décembre, il quitte le Japon sur La Marseillaise et arrive en France début février 1954.

1954 - 1957

L’envol international

À son retour du Japon, il publie en Espagne Yves peintures et à Paris le livre Les Fondements du judo. Ces publications reflètent la double carrière de judoka et d’artiste qu’il mène alors de front.

Ses tableaux Monochromes, d’abord de différentes couleurs, sont présentés pour la première fois au club des Solitaires en 1955, puis à la galerie Colette Allendy l’année suivante.

Au cours de l’année 1957, Yves met au point la fabrication de la couleur qu’il dénommera l’IKB (International Klein Blue) caractéristique des œuvres de son « Epoque bleue » et qui sera jusqu’en 1959 sa signature.

Les expositions à Milan, Paris, Düsseldorf et Londres donnent à « Yves le Monochrome » une stature internationale. En mai 1957, deux expositions conjointes sont organisées à Paris.  « Yves Klein : Propositions monochromes » est présentée à la galerie Iris Clert et à la Galerie Collette Allendy. C’est lors du vernissage chez Iris Clert qu’il réalise sa première action, la Sculpture aérostatique, un lâcher de 1001 ballons bleus place Saint-Germain-des-Prés.
  • 1954

    De retour à Paris, il se heurte à la méfiance du milieu professionnel et institutionnel du Judo. La Fédération française de Judo refuse d’homologuer son diplôme japonais.   

    En avril, il signe un contrat avec l’éditeur Bernard Grasset pour son livre sur le judo Les Fondements du judo.  

    En mai, sur invitation de Fernando Franco de Sarabia, il s’installe à Madrid. Il enseigne le judo au club Bushido Kwaï et devient conseiller technique de la Fédération espagnole de Judo. Dans sa salle de judo, il accroche des peintures monochromes. Il visite Barcelone, Saint-Sébastien et Valence.

    En novembre Yves Klein publie Yves Peintures et Haguenault Peintures. Ces deux recueils de monochromes sont réalisés et édités par l’atelier de gravure de Fernando Franco de Sarabia, à Jaen, près de Madrid. La préface signée Pascal Claude est composée de lignes noires en place du texte. Les dix planches en couleurs sont constituées de rectangles unicolores découpés dans du papier et accompagnés de dimensions en millimètres. Chaque planche indique un lieu différent de création, Madrid, Nice, Tokyo, Paris. Haguenault Peintures porte des mentions de collections. Ces deux ouvrages constituent le premier geste public d’Yves. Yves Peintures et Haguenault Peintures sont des œuvres d’art par lesquelles Yves Klein pose la question de l’illusion dans l’art. 

    À la suite d’une mésentente avec le président de la Fédération espagnole de Judo, Yves démissionne.
    Début décembre, il rentre en France et s’installe à Paris.  

    En décembre, son livre Les Fondements du Judo, paraît aux Editions Bernard Grasset.  

    Ne pouvant participer aux championnats d’Europe de judo de Bruxelles, il y assiste en spectateur. Il fait ensuite un voyage aux Pays-Bas et en Belgique.  

    Au cours d’un « lundi » chez Marie Raymond, Hains et Villeglé présentent deux films expérimentaux, Yves montre ses films sur le judo.  

    Fin 1954, Yves réalise l’esquisse de scénario La Guerre (de la ligne et de la couleur) ou (vers la proposition monochrome).
  • 1955

    Le 13 janvier 1955, dans un café parisien, Yves montre à des peintres abstraits, parmi lesquels Michel Seuphor, sa publication Yves Peintures.    

    Le 23 février, il est engagé comme enseignant de judo à l’American Students and Artists Center du boulevard Raspail. Il maintiendra cette activité jusqu’à fin 1959.

    Le 1er juillet, Le comité d’organisation du Salon des Réalités Nouvelles consacré à l’art abstrait, refuse de présenter son monochrome Expression de l'univers de la couleur mine orange (M 60). À cette occasion, il rencontre Jean Tinguely qui présente une œuvre au Salon.  

    Fin septembre, Yves ouvre une école de judo à Paris avec l’aide financière de sa mère et de sa tante au 104 boulevard de Clichy. Il y accroche de grands monochromes de couleurs variées.  

    Le 15 octobre, s’inaugure sa première exposition personnelle « Yves, Peintures » au Club des Solitaires, dans les salons privés des éditions Lacoste à Paris. Il y expose des peintures monochromes de couleurs différentes.  

    Le 1er décembre, Yves fait la connaissance du critique d’art Pierre Restany.
  • 1956

    Du 21 février au 7 mars, dans l’exposition « Yves, Propositions Monochromes » à la galerie Colette Allendy au 67 rue de l’Assomption à Paris, Yves présente des tableaux monochromes de couleurs différentes. Pierre Restany rédige le texte de présentation, « La minute de vérité », imprimé sur le carton d’invitation. Le 2 mars, dans le cadre de l’exposition, est organisé un débat. Parmi les participants : Pierre Restany, Claude Rivière, Louis-Paul Favre, Bernadette Allain et Henri-Jean Closon, commissaire général du Salon des Réalités Nouvelles en 1955.

    Yves rencontre, dans la galerie Allendy, Marcel Barillon de Murat, chevalier de l’ordre des Archers de Saint Sébastien, qui lui propose d’adhérer à la confrérie. Le 11 mars, dans l’église Saint-Nicolas-des-Champs à Paris, Yves est adoubé chevalier de l’ordre des Archers de Saint Sébastien. Il choisit comme devise : « Pour la couleur ! Contre la ligne et le dessin ! »

    En mai, le magazine Science et Vie consacre un article au évoquant l’activité sportive d’Yves Klein. En couverture, une image d’Yves s’exerçant au judo.

    Durant l’été 1956, il doit fermer son école de judo pour des raisons financières.

    Du 4 au 31 août, il participe avec Tinguely, au 1er Festival de l’Art d’avant-garde présenté à la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille.  

    Yves se présente à Iris Clert, en lui apportant dans sa galerie récemment ouverte un Monochrome orange.   

    Le 7 novembre, il installe son atelier au 9 rue Campagne-Première dans le quartier de Montparnasse à Paris.

    En novembre, Guido Le Noci, le directeur de la Galleria Apollinaire de Milan, rend visite à Yves dans son nouvel atelier et fixe son exposition personnelle pour le mois de janvier suivant.

    Au cours de l’année, Yves met au point la fabrication de la couleur bleue ultramarine qui caractérisera les œuvres de son « Epoque Bleue » et qu’il dénommera l’IKB (International Klein Blue).
  • 1957

    Présentée du 2 au 12 janvier 1957, l’exposition « Yves Klein, Proposte monocrome, epoca blu » à la Galleria Apollinaire, via Brera à Milan consiste en onze Monochromes bleus de même format accrochés dans une salle et un Monochrome rouge dans une autre pièce. Le carton d’invitation comporte un texte de présentation de Pierre Restany « Il secondo minuto della verità ». Yves rencontre Lucio Fontana qui achète un Monochrome bleu et se lie d’amitié avec lui. Piero Manzoni aussi fait la connaissance d’Yves et visite plusieurs fois son exposition.  

    En février, il participe à la « Première exposition de psychogéographie » à la galerie Taptoë de Bruxelles et au Salon « Comparaisons » au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.  

    En mars, Yves rencontre l’architecte allemand Werner Ruhnau et l’artiste Norbert Kricke à l’occasion de l’exposition des œuvres de Kricke à la galerie Iris Clert.  

    Du 12 avril au 8 mai, Yves participe au « Micro-Salon d’avril » à la galerie Iris Clert dans lequel sont présentées des œuvres de petit format de plus de cent artistes parmi lesquels ses parents.  

    En mai 1957, il présente deux expositions conjointes à Paris, « Yves Klein : Propositions monochromes » simultanément à la galerie Iris Clert et à la galerie Colette Allendy. Le carton d’invitation commun, en forme de carte postale, est affranchi avec un timbre-poste bleu. Pierre Restany y annonce les deux expositions de « l’Epoque Bleue » . Yves fait réaliser un film sur les deux manifestations, la bande-son est constituée par les « Cris bleus » de Charles Estienne.  


    Chez Iris Clert, Yves choisit de présenter ses Propositions monochromes comme il l’avait fait à Milan. L’avènement de l’« époque bleue » est célébré par un lâcher de 1001 ballons bleus dans le ciel de Paris lors de l’inauguration. Klein qualifiera cette action de Sculpture Aérostatique.

    Chez Colette Allendy, Yves présente un ensemble d’œuvres annonçant ses développements futurs : sculptures, environnement, bacs de pigment pur, paravent, la première Peinture de Feu Feux de Bengale-Tableau de feu bleu d’une minute (M 41) et le premier Immatériel. En effet, un panneau annonce la suite de l’exposition au premier étage : « Surfaces et blocs de sensibilité picturales. Intentions picturales ». Cette salle est laissée entièrement vide. Un film de l’exposition a été réalisé par Yves Klein.    

    Du 31 mai au 23 juin 1957, l’exposition « Yves, propositions monochromes » inaugure la galerie Schmela de Düsseldorf avec des peintures monochromes de couleurs différentes. Sur le carton d’invitation est imprimé en français le texte de Pierre Restany, « La minute de vérité ». Lors de cette exposition, Yves Klein se lie aux artistes du groupe ZERO (Otto Piene et Heinz Mack) ainsi qu'avec la jeune scène artistique de Düsseldorf.

    Du 24 juin au 13 juillet, se tiendra l’exposition «Monochrome Propositions of Yves Klein » à la Gallery One de Londres. Sont exposées des peintures monochromes de couleurs différentes. Le carton d’invitation avec texte de Restany traduit en anglais par « An act of truth ». Dans ce cadre, le 26 juin a lieu à l’Institute of Contemporary Arts, un débat public avec Klein et Restany, présidé par Lawrence Alloway.  

    Durant l’été, Yves rencontre Rotraut Uecker (Rerik, 1938) à Nice. Artiste allemande qui travaille comme jeune fille au pair chez Arman et qui deviendra son assistante, puis son épouse.  

    En septembre, il signe le manifeste Contro lo stile, Contre le style, The end of style, publié à Milan. Parmi les autres signataires : Arman, Baj, Bemporad, Bertini, Colucci, Dangelo, Manzoni, Arnaldo Pomodoro, Giò Pomodoro, Pierre Restany, Saura, Sordini, Vandercam, Verga.  

    En mai, Yves Klein avait posé sa candidature pour la décoration de l’Opéra de Gelsenkirchen, dans la Ruhr, en Allemagne. Il s’y rend en novembre pour exposer à l’architecte Werner Ruhnau sa technique des Reliefs Eponges, puis en décembre à l’occasion de l’exposition des plans et des maquettes du concours. Yves fait partie du « groupe Kricke » constitué aussi, à cette époque, par Robert Adams, Kurt Neyers et Emil Schumacher.  

    Entre mai et décembre, il participe à Milan aux expositions « Opere delle collezioni private di Lucio Fontana e di Bruno Munari » à la Galleria Blu, « Micro-Salon di Iris Clert di Parigi in esclusività per l’Italia » à la Galleria Apollinaire, « Arte Nucleare 1957 » à la Galleria San Fedele et à Rome au « Micro Salon » à la Galleria La Tartaruga. Il participe également à l’exposition « Ouverture sur le futur » à la galerie H. Kamer à Paris et à l’exposition « Internationaler Bericht der Gesellschaft der Freunde Junger Kunst » à la Kunsthalle de Düsseldorf.

1958 - 1960

Le dépassement de la problématique de l’art

Lauréat d’un concours international lancé en 1957 par la municipalité de la ville de Gelsenkirchen en Allemagne, Yves Klein reçoit la commande d’un ensemble de Reliefs Eponges et de panneaux monochromes monumentaux.

Au même moment, Yves Klein cherche à aller au-delà d’une définition convenue de l’art : il expose des espaces vides, fait des déclarations à valeur d’œuvre. L’Immatériel que l’artiste « spécialise » est l'objet de transactions en échange d’or, à la fois métal noble et couleur, qui prend alors une place singulière dans son travail.

L’espace public (illumination de l’obélisque de la place de la Concorde) et les médias (édition de Dimanche 27 novembre 1960) apparaissent, grâce à lui, comme autant de nouveaux territoires de l’art.

Forces et éléments naturels deviennent aussi la matière première de ses Cosmogonies. Sa réflexion sur l'art l’amène à imaginer de nouveaux rapports avec ses modèles qui deviennent les « pinceaux vivants » des Anthropométries.

Sa collaboration avec l'architecte Claude Parent pour le projet d’Architecture de l’air fera date.

Le 27 octobre 1960, dans son appartement a lieu la signature du manifeste des Nouveaux Réalistes.
  • 1958

    Le 13 février 1958, Yves signe son contrat pour le décor du nouveau théâtre de Gelsenkirchen. Il fait partie de l’équipe internationale lauréate du concours, constituée par les Allemands Norbert Kricke et Paul Dierkes, par le Britannique Robert Adams et par le suisse Jean Tinguely. Yves est chargé de la réalisation de six panneaux monumentaux.  

    Le 24 avril, sous le titre « Le tableau rouge » (« Das Rote Bild »), a lieu la septième « exposition d’un soir » d’artistes européens organisée par Otto Piene et Heinz Mack dans leurs ateliers à Düsseldorf. Yves Klein y expose une assiette rouge (M 83). À cette occasion, paraît le numéro 1 de la revue allemande Zero, publiant le texte de Klein « Ma position dans le combat de la ligne et de la couleur ».  

    Le 26 avril, à 23h, en présence d’Yves et d’Iris Clert, l’EDF (Électricité de France) procède à un essai préliminaire d’illumination en bleu de l’obélisque de la place de la Concorde, en préparation de la soirée du 28 avril. Le but d'Yves Klein est de compléter l’inauguration de sa future exposition chez Iris Clert, prévue deux jours plus tard, par l’éclairage du monument.  
    Du 28 avril au 12 mai, se tient son exposition personnelle « La Spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée » à la galerie Iris Clert, Paris. Cette exposition est connue comme l’exposition du « Vide » et désignée comme étant le début de l’« époque pneumatique ». Pour cette exposition, Yves conçoit un carton d’invitation composé d’un texte de Pierre Restany, un bon d’entrée (à savoir que ceux qui n’en étaient pas munis, devait un prix d’entrée de 1500 F) et une enveloppe affranchie avec une timbre-poste bleu. À l’extérieur, la vitrine de la galerie est peinte en bleu et l’entrée du bâtiment est décorée d’un dais recouvert de tissu bleu. À l’intérieur de la galerie, présentation “d’une ambiance, d’un climat pictural réel et à cause de cela même invisible” (Yves Klein, Le dépassement de la problématique de l'art, 1959); à cette fin, les murs et la vitrine sur rue ont été peint en blanc par Yves Klein. Le jour du vernissage, des gardes républicains se tiennent à l’entrée et un service d’ordre est mis en place. Un cocktail bleu est servi au public. Ce jour même, l’éclairage de l’obélisque de la place de la Concorde est refusé par la préfecture de la Seine. La fermeture de l’exposition, prévue le 5 mai, est différée d’une semaine. Un film documente l’exposition. Après le vernissage, à la brasserie La Coupole, Yves tient un discours solennel sur l’événement et sur ses nouvelles perspectives.
  • 1959

    Entre janvier et mai 1959, Yves travaille au chantier de Gelsenkirchen. Après le départ de Rotraut, il bénéficie de l’assistance de Tinguely comme interprète. Par la suite, Tinguely participera aussi au décor du théâtre, ayant obtenu, en mars 1959, une commande pour deux reliefs mobiles.  

    Le 30 janvier, à l’occasion du vernissage de l’exposition « Concert Nr. 2 » de Jean Tinguely à la galerie Schmela de Düsseldorf, Yves prononce un discours sur la collaboration entre artistes créateurs. La manifestation est aussi célébrée avec une fête de trois jours en costume, en l’honneur de Tinguely et de Klein, dans l’atelier de Gunther Uecker, à Düsseldorf.  

    En mars, il participe à l’exposition « Vision in Motion-Motion in Vision » à l’Hessenhuis à Anvers, première exposition collective du groupe ZERO. Les commissaires de l’exposition sont Pol Bury, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Paul van Hoeydonck. Le jour du vernissage, Yves prononce dans l’emplacement qui lui est réservé une phrase d’après Bachelard : “D’abord il n’y a rien, ensuite il y a un rien profond, puis une profondeur bleue”, il propose de la sensibilité picturale immatérielle au prix d’un kilo d’or pur.    

    Le 27 mars, Yves Klein et Werner Ruhnau signent un projet pour la création d’un Centre de la Sensibilité (« Schule der Sensibilität »): "L’architecture immatérielle sera le visage de cette école. Elle sera inondée de lumière. Vingt maîtres et trois cents élèves y travailleront sans programme d’enseignement ni jury d’examen » (Yves Klein, Le dépassement de la problématique de l'art, 1959)    

    Le 14 avril, Yves dépose à l’INPI (Institut national de la Propriété industrielle) des projets pour un toit d’air, des jets d’eau et de feu et pour un « tube en aluminium lévitant » en deux enveloppes Soleau.  

    Le 17 avril s’ouvre l’exposition « Reliefs lumineux et peintures de Mack » à la galerie Iris Clert. Yves rédige le texte de présentation, imprimé sur le carton d’invitation et propose dans la salle d’exposition la Symphonie Monoton-Silence.  

    Entre mai et juin, il fait un nouveau pèlerinage au monastère de Sainte Rita à Cascia.  

    Le 29 mai a lieu l’ouverture de l’exposition « La collaboration internationale entre artistes et architectes dans la réalisation du Nouvel Opéra et Théâtre de Gelsenkirchen » à la galerie Iris Clert, Paris. Y sont présentées les maquettes de Ruhnau, Kricke, Tinguely, Dierkes, Adams et Klein.  


    Le 3 juin, Yves donne une conférence à la Sorbonne intitulée « L’évolution de l’art vers l’immatériel », présentée par Iris Clert et suivie le 5 juin d’une communication de Werner Ruhnau intitulée « Le développement des arts plastiques et de l’architecture vers l’immatérialisation ». L’initiative est placée sous le patronage de l’ambassade d’Allemagne. La séance du 3 juin sera enregistrée.  


    Du 15 au 30 juin, se tient l’exposition « Bas-reliefs dans une forêt d’éponges » à la galerie Iris Clert.  

    Fin juin, Yves rencontre l’architecte Claude Parent qui va collaborer avec lui sur plusieurs projets d’Architecture de l’air. Parent et son collaborateur Sorgologo réalisent les dessins.  

    Le 30 juin, il dépose à l’INPI sous enveloppe Soleau le projet d’une Sculpture aéro-magnétique, invention qu’il date du mois d’avril 1959. Au cours de l’été, ses relations avec Iris Clert commencent à se dégrader.  

    Yves met au point le projet pour les carnets à souches des cessions de Zones de Sensibilité Picturale Immatérielle, qu’Iris Clert fait imprimer.

    À la mi-novembre, il fixe la forme définitive du « rituel » des cessions. Le 18 novembre, Iris Clert envoie le reçu pour la première vente d’une Zone de Sensibilité Picturale Immatérielle à Peppino Palazzoli, directeur de la Galleria Blu à Milan. Celui-ci s’était porté acquéreur d’une œuvre immatérielle, au cours du mois d’août précédent, à la condition de recevoir un reçu signé par Yves. En décembre, Yves Klein organise les premières cessions d’une Zone de Sensibilité Picturale Immatérielle qu’il renouvellera avec différentes personnes.  

    En décembre également, il publie « Le Dépassement de la problématique de l’art », La Louvière, Edition de Montbliard.  

    Le 15 décembre, Yves assiste à l’inauguration du nouveau théâtre de Gelsenkirchen.  

    À la mi-décembre, après un ralentissement de son activité d’enseignant de judo, il cesse définitivement ses cours à l’American Students and Artists Center.  

    Au cours de l’année 1959, il participe au « Micro-Salon » à la galerie Europe de Bruxelles, aux expositions « Dynamo 1 » à la galerie Renate Boukes de Wiesbaden, « Junge Maler der Gegenwart » à la Künstlerhaus de Vienne, « Kunstsammler an Rhein und Ruhr : Malerei 1900-1959 » au Städtisches Museum de Leverkusen, « Work in Three Dimensions » à la Leo Castelli Gallery de New York et à la Ire Biennale de Paris au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris inaugurée par André Malraux.  

    En Allemagne, Yves Klein et Jean-Pierre Mirouze créent un Projet de ballet sur aspect de fugue et choral. Yves en publiera un descriptif dans son journal Dimanche.
  • 1960

    Le 12 janvier 1960, Yves s’entraîne pour ce qui sera connu comme le Saut dans le vide, d’une fenêtre de la maison de Colette Allendy, 67 rue de l’Assomption, Paris, en présence de Bernadette Allain.  

    Il réalise ses premiers Monogolds faisant intervenir l’or fin dans leur composition, matériau aussi précieux que symbolique.  

    Le 23 février, à son domicile, Yves réalise les empreintes de Rotraut et de Jacqueline qui déposent les traces bleues de leur corps sur une grande feuille de papier blanc fixée au mur en présence de Pierre Restany. L’œuvre est nommée par les participants Célébration d’une nouvelle Ère anthropométrique. Avec ces traces inscrites sur le support, Klein veut fixer dans leur fugacité les marques des « États-moments de la chair ».  

    Le 2 mars, il dépose à l’INPI un brevet d’invention au titre : « Procédé de décoration ou d’intégration architecturale et produits obtenus par application dudit procédé », où est explicité le procédé des « pinceaux vivants ».  

    Le 9 mars, Yves réalise la performance Anthropométries de l’époque bleue, devant un public choisi, réuni à la galerie internationale d’Art contemporain au 253 rue Saint-Honoré à Paris dirigée par le comte Maurice d’Arquian.  

    La séance s’ouvre avec la Symphonie Monoton-Silence, dirigée par Yves et exécutée par trois violons, trois violoncelles et trois choristes. Trois modèles nus entrent sur scène et réalisent des empreintes de leur corps sur les indications de l’artiste. Après la séance a lieu un débat général auquel participent Pierre Restany et Georges Mathieu.

    En mars, Yves réalise ses premières Cosmogonies, œuvres produites à l’aide de phénomènes atmosphériques et d’éléments naturels. Au cours d’un voyage de Paris à Nice, il fixe sur le toit de sa voiture un papier fraîchement peint en bleu et laisse agir sur lui les agents météorologiques (COS 10). Le 23 mars, à l’embouchure du Loup, à Cagnes-sur-Mer, il recourt à des empreintes de végétaux et à l’eau de la rivière dans laquelle il plonge des œuvres (COS 4).  

    Le 16 avril, Pierre Restany publie à Milan un texte intitulé Les Nouveaux Réalistes en prévision de l’exposition collective du mois de mai suivant à la Galleria Apollinaire. Le critique désignera par la suite ce texte comme le premier manifeste du mouvement.  

    Le 23 avril, Yves fonde l’ADAM (Association pour le Dépassement de l’Art moderne) à La Coupole. Cette séance sera la seule tenue par l’association.  

    Le 29 avril, Yves dépose à l’INPI un brevet d’addition au procédé des « pinceaux vivants ».  

    En mai, il fonde avec Restany, Mirouze, Pascal et Arman l’International Klein Bureau, qui permet à chaque membre de réaliser et de signer de son nom des Monochromes IKB.  

    Le 19 mai, il dépose à l’INPI la formule de l’International Klein Blue (IKB), le projet du Rocket pneumatique et des procédés de traitement pour papier d’imprimerie sous trois enveloppes Soleau.  

    Du 11 octobre au 13 novembre se tient l’exposition « Yves Klein le Monochrome », à la galerie Rive Droite, Paris, dirigée par Jean Larcade. C’est la première présentation de la triade de couleurs : bleu, or et rose.  

    Le 19 octobre 1960 Yves se lance dans le vide au 3 rue Gentil-Bernard à Fontenay-aux-Roses. Les photographes Harry Shunk et John Kender effectuent les prises de vue du Saut dans le vide et le montage de la scène qui sera publiée, le 27 novembre suivant, dans le journal Dimanche publié par l’artiste sous le titre « Un homme dans l’espace ! ». Yves établit que cet événement marque la fin de son activité de judoka.  

    Le 27 octobre date la fondation du groupe des Nouveaux Réalistes, dans l’appartement d’Yves au 14 rue Campagne-Première à Paris. La Déclaration constitutive du groupe des Nouveaux Réalistes rédigée par Pierre Restany est signée par Arman, Dufrêne, Hains, Klein, Raysse, Restany, Spoerri, Tinguely et Villeglé. César et Rotella ont été invités mais sont absents. Au groupe se joignent plus tard Niki de Saint-Phalle, Gérard Deschamps et Christo. Les neuf participants signent les neufs exemplaires de la déclaration.  
    Le 28 octobre, Klein réunit Arman, Hains, Raysse, Restany et Tinguely afin de réaliser une Anthropométrie suaire collective. Par ce geste Klein intègre les Nouveaux Réalistes à son œuvre.  

    Le 10 novembre, Yves réalise L’Anthropométrie collective des Nouveaux Réalistes avec Arman, Hains, Restany et Tinguely.  

    Du 16 novembre au 15 décembre se tient le IIIe Festival de l’Art d’avant-garde au Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris. Les deux œuvres de Klein, Ci-gît l’espace et l’Anthropométrie collective des Nouveaux Réalistes, sont endommagées par un acte de vandalisme. Le dimanche 27 novembre, dans le cadre des représentations théâtrales du festival, Yves présente le Théâtre du vide, “une ultime forme de théâtre collectif qu’est un dimanche pour tout le monde” (Yves Klein, Dimanche, Le journal d’un seul jour, 1960). Le même jour, il diffuse, dans quelques kiosques à journaux de Paris, Dimanche, le journal d’un seul jour, et il tient une conférence de presse à la galerie Rive Droite.  

    En 1960, Yves participe à Milan aux expositions « La nuova concezione artistica » à galerie Azimut et  « Arman, Hains, Dufrêne, Yves le Monochrome, Villeglé, Tinguely » à la Galleria Apollinaire. À Paris, il participe à l’exposition « Antagonismes » au Musée des Arts décoratifs et à l’exposition « Hommage à Colette Allendy » à la galerie Colette Allendy. Enfin, il fera également partie des expositions « Paris Obsessions » à la Staempfli Gallery de New York et « Monochrome Malerei » au Städtisches Museum Leverkusen.

1961 - 1962

La construction du mythe

Artiste radical, Yves Klein constitue un modèle pour les artistes européens du groupe Zero.

En octobre 1960, il expose à la galerie Rive Droite à Paris, chez Leo Castelli à New York et à la Dwan Gallery à Los Angeles en 1961.

En janvier 1961, le Museum Haus Lange de Krefeld propose la première rétrospective institutionnelle de son œuvre.

En mars et juillet 1961, Yves Klein réalise des Peintures de Feu au Centre d’essai de Gaz de France.

N’hésitant pas à prendre son image et sa vie privée comme matériaux de son art, Yves Klein participe à la construction de son mythe ; sa collaboration avec de nombreux photographes et réalisateurs en témoigne. Alors qu’il entreprend des Portraits Reliefs de ses amis Arman, Claude Pascal et Martial Raysse, il décède d’une crise cardiaque le 6 juin 1962, à l’âge de 34 ans.

Outre une œuvre exceptionnelle, il laisse derrière lui des écrits clairvoyants.
  • 1961

    Le 5 janvier, Yves dépose à l’INPI un brevet pour un modèle de « table en verre soutenue par des pieds en métal chromé ou nickelé ».  

    Du 14 janvier au 26 février, se déroule sa première rétrospective institutionnelle « Yves Klein : Monochrome und Feuer » au Museum Haus Lange de Krefeld en Allemagne. La rétrospective est réalisée, en étroite collaboration entre Yves et Paul Wember, le directeur du musée. Yves Klein réalise là sa plus importante rétrospective. Il y expose des monochromes bleu, rose et or, son projet d’Architecture de l’Air, la Salle vide, un espace immatériel qui depuis fait partie de la collection permanente du musée. Le Mur de feu à l’extérieur, est composé de 50 brûleurs alignés. L’allumage des éléments, dans l’obscurité, est spectaculaire. Les rosaces en forme de marguerites montrent, si l’on s’en approche, les couleurs décomposées de la flamme : bleu, or et rose. Non loin du Mur, jaillit la flamme de La Sculpture de Feu. Le 26 février, date de la fermeture de l’exposition, Klein réalise les premières Peintures de Feu. Une large feuille de papier ou de carton est offerte aux flammes des becs Bunsen, et porte la marque des rosettes seules, ou des rosettes accompagnées de la trace de La Sculpture de Feu.

    En février, il accomplit un pèlerinage à Monastère de Sainte Rita à Cascia où il offre en ex-voto un coffret en plexiglas, divisé en plusieurs compartiments et contenant des pigments bleu et rose, des feuilles et des lingots d’or, et une prière manuscrite. Cette œuvre n’a été découverte qu’à la suite d’un tremblement de terre de septembre en 1979 et authentifiée par Pierre Restany en 1980.  

    Le 20 février, le tournage d’une séance d’Anthropométries est réalisé dans l’atelier du photographe Charles Wilp, à Düsseldorf, pour une émission de la BBC, « The Heartbeat of France », diffusée le 14 juin suivant.  

    En mars, Yves réalise les premières séances de Peintures de Feu au Centre d’essai de Gaz de France à La Plaine-Saint-Denis, près de Paris. 

    Le 26 mars, Yves et Rotraut Uecker arrivent à New York. Ils s’installent au Chelsea Hotel. Au cours de son séjour, Yves rencontre de nombreux artistes dont Duchamp, Johns, Kline, de Kooning, Newman, Rauschenberg, Rothko et Rivers.  

    Du 11 au 29 avril se tient l’exposition « Yves Klein le Monochrome » à la Leo Castelli Gallery de New York.  

    Yves rédige, en anglais, le Chelsea Hotel Manifesto.  

    Le 17 mai, il présente devant des représentants du monde de l’art de New York ses films sur des séances d’Anthropométrie et sur l’exposition de Krefeld. La projection a lieu dans l’agence de publicité Park Avenue offices of Foote, Cone and Belding.  

    Du 17 mai au 10 juin se déroule l’exposition « À 40° au-dessus de Dada » à la galerie J à Paris. L’exposition des Nouveaux Réalistes organisée par Pierre Restany a lieu l’occasion de l’ouverture de la galerie appartenant à Jeanine de Goldschmidt, sa future épouse. La préface du catalogue écrite par Restany est considérée comme le deuxième manifeste du groupe. Depuis les États-Unis, dans un courrier adressé au critique, Yves exprime son désaccord avec ce texte, ne reconnaissant pas son lien avec Dada.  

    Du 29 mai au 24 juin, Yves expose à la Dwan Gallery de Los Angeles (« Yves Klein le Monochrome »). À cette occasion, Yves présente l’ensemble de ses films.  

    À la mi-juin, Yves et Rotraut rentrent en France.  

    Le 5 juillet, la publication de la revue Zero n°3 donne lieu à la manifestation « Zero. Edition Exposition Demonstration » à la galerie Schmela de Düsseldorf. Dans ce numéro de la revue Zero, paraît l’article de Klein, « Le vrai devient réalité », en français et en anglais. La fin du texte en français est brûlée à la requête de l’artiste. Dans ce numéro, figure également le manifeste « Projet pour une architecture de l’air », publié en allemand [« Projekt einer Luft-Architektur »].  

    Le 12 juillet, Yves signe le contrat pour le film Mondo Cane de Gualtiero Jacopetti. Les 17 et 18 juillet, le cameraman Paolo Cavara tourne des séquences d’Anthropométries à la galerie Rive Droite pour la préparation du film.  

    Le 18 et 19 juillet, Yves réalise des Peintures de Feu et des Peintures de Feu Couleur au Centre d’essai de Gaz de France. Les photographes Pierre Joly, Vera Cardot et Louis Frédéric réalisent des reportages. Le 19, le directeur du Centre interdit la séance en raison de la présence de modèles nus.  

    Le 27 juillet, Yves écrit à l’architecte Philip Johnson au sujet d’un projet de fontaines d’eau et de feu proposé par des ingénieurs pour l’Exposition internationale de New York et qu’il considère erronément comme une appropriation de ses idées.  

    À l’automne, Yves réalise des Reliefs Planétaires.  

    Le 8 octobre, Yves réunit dans son appartement des membres du Nouveau Réalisme et les critiques d’art Alain Jouffroy, Pierre Descargues et John Ashbery, afin d’analyser la question de la filiation duchampienne du groupe. Cette réunion est nommée « journée des observateurs neutres ». Le soir-même, à La Coupole, Yves, Martial Raysse et Raymond Hains signent une déclaration de dissolution du groupe des Nouveaux Réalistes. La dissolution se révèle néanmoins temporaire.  

    En novembre, Yves et Rotraut font un voyage en Italie. Le couple se rend à Cascia puis à Rome afin de visionner la séquence du film de Jacopetti sur la séance d’Anthropométrie. La séquence, pas encore détournée, satisfait pleinement Yves.  

    Le 20 novembre s’ouvre l’exposition « Yves Klein le Monochrome : il Nuovo Realismo del Colore » à la Galleria Apollinaire de Milan.  

    Au cours de l’année, Yves enregistre sur une bande sonore l’improvisation dénommée a posteriori « Dialogue avec moi-même ». L’enregistrement commence avec la Symphonie Monoton-Silence (1 min 15), puis Yves se met à parler.  

    Il élabore avec Claude Parent un projet de fontaines d’eau et de feu pour les fontaines de Varsovie du Trocadéro à Paris.  

    Durant l’année 1961, il participe aux expositions du groupe Zero « Gruppo 0 + 0 » à la Galleria La Salita de Rome, « Datozero » à la galerie Dato de Francfort, « Zero » à galerie A d’Arnheim ainsi qu’aux expositions « Aktuelle Kunstverein, Bilder und Plastiken aus des Sammlung Dotremont » à la Kunstverein für die Rheinlande und Westfalen et à la Kunsthalle de Düsserldorf  et « Moderne Malerei seit 1945 aus der Sammlung Dotremont » à la Kunsthalle Basel de Bâle. Avec les Nouveaux Réalistes il participe aux expositions « Le Nouveau Réalisme à Paris et à New York » à galerie Rive Droite de Paris, Exposition des Nouveaux Réalistes à la galerie Samlaren de Stockholm, Premier Festival du Nouveau Réalisme à la galerie Muratore de Nice.
  • 1962

    Le dimanche 21 janvier a lieu le mariage d’Yves et Rotraut en l’église Saint-Nicolas-des-Champs à Paris. La mise en scène de la cérémonie, organisée par Yves dans tous les détails, inclut la présence de chevaliers de l’ordre des Archers de saint Sébastien en grande tenue. Suit une réception à La Coupole, prolongée par une soirée dans l’atelier de Larry Rivers, impasse Ronsin.  

    Le 26 janvier, Yves décroche les tableaux d’une salle du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, alors allouée au XVIe Salon Violet, afin de créer une Zone de Sensibilité Picturale Immatérielle. Le décrochage est réalisé à l’aide de Dufrêne, Villeglé et Niki de Saint-Phalle. Au mois de mars suivant, dans le cadre du Salon Comparaisons, la même salle devait accueillir des œuvres des Nouveaux Réalistes. Yves fait réaliser par Harry Shunk un reportage afin de documenter pour le catalogue du Salon Comparaisons la salle vide et la salle remplie par des œuvres des Nouveaux Réalistes (œuvres ayant été provisoirement empruntées à la galerie J pour la réalisation du cliché).  

    En Février, Yves prépare des moulages d’Arman, de Martial Raysse et de Claude Pascal pour réaliser des Portraits Reliefs. Le 1er mars, Yves réalise, en collaboration avec Arman, Claude Pascal et Pierre Restany, le Store-Poème.  

    Durant l’année 1962, Yves participe aux expositions collectives « Zero, Schilders door de galerie gekogen » à galerie Ad Libitum d’Anvers, « Nieuwe Tendenzen » à la galerie Orez de La Haye, « Zero » dans le cadre de « Forum 62 » au Centrum voor Kunstambachten de Gand, « Zero » à galerie Schindler de Berne et « Recherches d’un Nouveau Réalisme » à la galerie Bonnier de Lausanne.

    Le 7 mars s’ouvre l’exposition « Antagonismes 2, l’objet » au Musée des Arts décoratifs de Paris.  

    Du 12 mars au 2 avril, se tient le Salon Comparaisons au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.  

    En mai, Yves se rend au Festival de Cannes. Le 12, il assiste à la première représentation de Mondo Cane de Gualtiero Jacopetti. Le détournement dérisoire de son travail dans le film le blesse profondément. La scène qui lui était consacrée avait été coupée, le montage arrangé, la bande sonore de la Symphonie Monoton-Silence remplacée par une chanson populaire. Le soir, Yves a une première crise cardiaque.  

    Le 15 mai, au cours d’un débat sur le thème « Art et Industrie » au Musée des Arts décoratifs, Yves intervient avec véhémence contre les industriels et s’en prend aussi à Restany et à Tinguely, présents à la discussion. Plus tard, le même jour, Yves se rend au vernissage de l’exposition « Donner à voir » à la galerie Creuze dans laquelle est exposé le Portrait Relief d’Arman. Il est victime d’une nouvelle crise cardiaque.  

    Yves programme avec Sacha Sosno le tournage d’un film intitulé Blue-Blue pour le mois de septembre suivant.  

    Le 6 juin à 18 heures, Yves meurt d’une ultime crise cardiaque, à son domicile au 14 rue Campagne-Première.  

    Le 6 août, naissance à Nice d’Yves, le fils de l’artiste.

    Yves Klein repose dans le petit cimetière de La Colle-sur-Loup (Alpes-Maritimes), aux côtés de Marie et Rose Raymond.