Document, 1958

"Esquisse et Grandes Lignes du Système Economique de la Révolution Bleue"

Esquisse et grandes lignes du système économique de la révolution bleue

L’économie est le domaine d’élection des vaines illusions et des constructions où les apriorismes dénotent les insuffisances de l’acolyse préalable. Certaines écoles ont cru percevoir bon nombre de réalités, mais cette approche de la chose économique n’est trop souvent restée pour elles qu’une approximation. Tels physiocrates terre à terre n’ont pas su, en exténuant la gangue de l’univers sensible, débarder la matérialité du cosmos pour accéder enfin à la définition de l’inconnaissable par la prise de conscience de l’unité marginale de l’espace. Un nouvel effort vit le jour dans les années trente avec l’école keynésienne et la théorie dite du plein emploi ; mais, si la vocation de l’emploi pouvait conduire à une thérapeutique somme toute valable, la méconnaissance complète d’une prise de conscience collective de l’intensité spatiale ne pouvait encore une fois mener qu’à une approximation quantitative. On voit que tout s’analyse donc en termes de faillite, et le bilan des économies composées n’annonce aujourd’hui qu’un large déficit.

Une ère nouvelle devait donc apparaître où une perception qualitative du champ énergétique de l’économie pouvait enfin orienter l’inertie fondamentale du « vivant » vers une conception dynamique de la chose créée.

Cette conception trouve pour moi son fondement dans la richesse chaque jour plus élaborée du patrimoine spatial. Aussi bien une grande fresque s’allonge-t-elle qui attend son label monétaire. Je récuse en effet réserves et devises : richesses accumulées des grandeurs du passé mais hypothèques périlleuses des structures du présent. Nul besoin désormais de ces intermédiaires dispendieux dont la facticité creuse un passé entre la préhension intellectuelle et la qualité même des valeurs saisies. Collons donc au réel, et, par delà un pur système de représentation, tournons-nous plus simplement vers l’acceptation de la valeur intrinsèque de la matière, résidant essentiellement dans la notion de qualité.

Sur cette base structurellement qualitative, chaque corporation sera tenue d’abandonner dans les caves de la Banque Centrale, préalablement débarrassée de tout dépôt métallique, le chef-d’œuvre de la profession. Lesdits chefsd’œuvre, ainsi rassemblés, matérialiseront les directions spirituelles de base du pays, laissant libre accès à toute éventuelle potentialité évolutive, seule source de progrès. Cet exemple permanent, catalyseur de puissance latente, en maintenant à l’esprit un échantillonnage stable – mais non clos – permettra enfin de jeter les bases d’un système de troc fondamentalement sain et à l’abri des variations conjoncturelles quantitatives.

En effet, la suppression de la circulation fiduciaire supprime du même coup la moindre possibilité d’une évolution cyclique présentant la spirale inflationniste classique. La surproduction, au lieu de présenter les caractères d’un accroissement inutile de richesses quantitativement dénombrables, ne sera plus une pure et simple déperdition de forces mais une émulation générale dont la quête constructive contribuera aux splendeurs du futur. Sur le plan international, la création d’un étalon ne représentant qu’une valeur quasi spirituelle préviendra tout développement d’un quelconque malthusianisme commercial, et permettra au contraire la fin de la guerre douanière, la notion de qualité devenant le multiplicateur des économies nationales jadis antagonistes.

Ces brèves ouvertures sur ce que peut être l’économie de demain, si nous le voulons, laissent déjà entrevoir les immenses possibilités d’un système conciliant enfin les aspirations intellectuelles et morales universelles avec les impératifs économiques les plus péremptoires. Demain, cela est sûr, le monde économique saluera une ère nouvelle et j’aurai au moins la satisfaction de l’avoir su éveiller. Dans un tel système l’homme riche sera nécessairement un génie authentique dans sa spécialité. Ce ne sera que justice, enfin.
Technique Tapuscrit sur papier