Document, 1958, ca.

"Réflexions sur le Judo, le Kiaï, la Victoire constante"

On m’a demandé souvent si le Judo avait joué un rôle dans ma conception picturale. J'ai toujours, jusqu'à présent répondu que non. En fait, c'est inexact: le judo m’a apporté beaucoup, je l'ai commencé presque en même temps que ma peinture. L'un comme l'autre ont vécu avec moi comme je vis avec mon corps, physique !

Voici en substance ce que je sais du judo :

D'abord un grand principe: «avoir l'esprit de la victoire». Il faut considérer les défaites comme des étapes importantes vers la Victoire finale. Les petites victoires comme des défaites dangereuses pour la Victoire finale. Dès que 1’on prend conscience que la victoire finale est acquise, le danger de la défaite définitive vous guette. Dès que la Victoire finale est remportée définitivement, on a un ennemi de plus, soi­même. L’ennemi vaincu sait cela et compte là­dessus, pour la revanche.

Le Kiai :

1° Notre corps physique est constitué d'un squelette et de chair. Dans les os circule la mœlle épinière, substance à peu de chose près identique à celle du cerveau. Les os sont les lignes du corps, la ligne c’est l’intellect, la raison, l’académisme, la chair, la passion, ce qui a été créé par l'intellect chez l'homme après la chute, le péché originel et c'est ce qui le soutient tout en ne vivant que grâce à lui. L'esprit, la sensibilité pure, la vie elle­même dans l’homme est en dehors de tout cela, bien que liée à physique et émotionnel (sic) !

Le judoka ordinaire ne pratique pas en esprit mais en physique et émotionnel. Le vrai judoka pratique en esprit et sensibilité pure et alors comme la vie est la victoire constante, il gagne, il gagne toujours. C'est l’intellect, la raison qui crée le moment physique, à travers les os en partant du cerveau.

2° Pendant une compétition de Judo si l’un des deux adversaires est un judoka ordinaire, il a un sentiment d’angoisse qui le saisit en présence de l’adversaire. L'autre adversaire est un vrai Judoka, il peut aussi avoir ce sentiment d'angoisse.

La conséquence de cela, c’est que chez les deux adversaires le sang se rassemble et se serre contre les os, la passion se réfugie tout contre la raison, et ainsi paralyse les articulations et empêche tout mouvement du squelette. C’est la peur. Un homme qui a peur est blanc car le sang n'est plus imprégné partout dans les ­tissus jusqu’à fleur de peau et à cause de cela la peau apparaît blanche. La raison de tout cela est que dans le cœur...
Technique Tapuscrit sur papier